La vie au front
Des occupations et quelques réjouissances.
Dans le désœuvrement, les diverses occupations s’orientaient vers les jeux de cartes – la manille pour les soldats -, la conversation et l’écriture.
Beaucoup comme Louis Talet, Pierre Lesvignes, habitants de Tursac fabriquaient des objets avec les douilles d’obus.
Le poilu trouvait de la consolation dans la camaraderie et les beuveries, dans les courriers ou parfois les colis qu’il recevait de l’arrière. La livraison du courrier était un moment très attendu, privilégié, réconfortant, mais malgré tout, douloureux, face à incertitude du lendemain.
Parmi les menus plaisirs au quotidien, il y avait aussi le café (le « Jus ») et le tabac (mais fumé dans des pipes, pas dans des cigarettes, trop voyantes pour l’ennemi).
Le vin (le Pinard) avait une grande importance dans la vie des tranchées.
En 1916, chaque soldat disposait d’un demi-litre de vin par jour.
C’était un dopant avant de partir à l’assaut ou un dans l’attente des tranchées. Il avait la mission très officielle de “soutenir le moral » des poilus.
De plus, dans les tranchées, le vin rouge remplaçait souvent l’eau potable qui était rare.
Guillaume Apollinaire écrivait en novembre 1918 : « J’ai comme toi, pour me réconforter, le quart de pinard qui met tant de différences entre nous et les boches »
Mais cette valorisation morale du vin français aura pour conséquence une forte alcoolisation, en particulier des jeunes conscrits.
Artisanat de tranchée
Au début du siècle, la majorité de la population française est rurale, avec une forte tradition artisanale. On retrouve sur le front une majorité de paysans, qui lors de longs séjours dans les tranchées tentent d’occuper le temps en détournant le matériel trouvé sur place pour créer des objets de toute sorte (comme ici, des obus).
Cette inventivité est aussi une tentative désespérée de préserver son individualité et laisser une trace. Dans les pires conditions matérielles, les soldats n’ont jamais cessé de créer, pour tromper l’ennui mais aussi supporter la vie au front.
Les Anges Blancs
Blessés accompagnés des infirmières que l’on appelait les anges blancs.
Le deuxième à gauche, rang du milieu, est René Raynal, de la famille Mazel
Lettre d’un « poilu » à sa marraine de guerre
Joséphine, je n’arrive plus à supporter cette angoisse en moi. Chaque jour, j’ai peur de mourir. On peut être tué à‘ tout moment. Des milliers de soldats meurent devant moi.
Je n’arriverai plus à tenir longtemps: c’est trop dur. Ma famille me manque terriblement, ma femme, mes enfants…
On mange à coté des ordures ou des corps morts. On dort par terre. Des rats passent sur notre corps mais que peut-on y faire ?
Tous les soldats sont fatigués. On va devenir fous. Les poux nous démangent, on les enlève un par un. La pluie tombe, on est tout mouillé. La laine ne protège pas de la pluie. Elle devient lourde et il faut plusieurs heures pour qu’elle sèche.
En écrivant cette lettre, je pourrais être tué. C’est ma plus grande peur: mourir sans revoir encore une fois ma mère, mes enfants, ma femme…
Les canons n’arrêtent pas: les fusils tuent des milliers de gens. La nuit on marche sur les morts, sur les rats. Je me sens sale pas seulement physiquement mais aussi psychologiquement. Je ne supporte plus de voir mes amis mourir sous mes yeux, surtout quand on s’attache a eux.
On combat tous les jours sans avancer.
On nous donne des ordres où on est sûr de mourir. La plupart de nos tranchées sont si près des soldats allemands.
que c’est du suicide. Beaucoup de soldats sont envahis par la peur, ils n’arrêtent pas de trembler.
En écrivant cette lettre, j’essaie de décompresser, d’enlever cette peur que envahit tout mon corps. Voilà ce qu’on vit tous les jours: la pluie, les rats, les poux, les amis qui meurent, la famille qui nous manque.
Une minute qui passe, c’est un an pour nous.