Foujita et Kawashima,
deux peintres japonais à Tursac.
Dès l’été 1913, Foujita et trois autres japonais sont invités à Marzac par l’oncle de Pierre, Alphonse Claret de Fleurieu, qui les a rencontrés au Japon. Déjà dans la campagne se répand la nouvelle :
« Monssü le Comte a ramené des Nègres au château… »
« Il faut dire qu’on assimile vite Foujita au diable en personne lorsque, nu comme un ver, il plonge dans les eaux rafraîchissantes de la Vézère ! »*
En juin 1915, Alphonse de Fleurieu, n’ayant plus personne sur place, demande à Foujita et son ami Kawashima de revenir à Marzac et à la Maison Forte de Reignac pour « entretenir les feux », ces demeures étant très humides.
« Il faut imaginer ces deux asiatiques, habillés à la grecque, vivant dans ce petit village (Tursac), au début du siècle dernier. Les habitants devaient être pour le moins surpris. »**
Sur son séjour à Tursac, Kawashima laissera des dessins et un journal; malheureusement en partie détruit après le tremblement de terre de Tokyo (1923).
Outre la description vivante de leur vie à la campagne, Kawashima écrit: :
« La plupart des hommes avaient été envoyés dans l’armée, et plusieurs étaient déjà morts à la guerre. Cela est très impressionnant ».***
Son journal constitue un document important pour comprendre non seulement les premières années des deux artistes japonais, mais aussi la vie d’un petit village pendant la guerre vue par un étranger.
* Extrait des mémoires de Pierre de Flerieu
** Buisson S. et D., in Leonard-Tsuguharu Foujita, Paris : aACRed., 2001
***Ebisu Printemps-été 2002, Maison Franco-japonaise, Tokyo
Kawashima écrit (traduction de l’avant dernier planche ci-dessous) :
Lundi 28 juin 1915
Une personne assez âgée et ses deux filles métayères habitaient en bas du château de (Reignac ?) ou Marzac. Aujourd’hui, elles déménagent. 4 hommes sont venus pour aider. Ça fait 50 ans que la vieille dame habite cette maison.
La femme du fidèle métayer du comte. A cause de la guerre, les hommes de la famille sont partis du pays en abandonnant leur travail. La vieille dame dit d’une voix triste : « il y a 15 jours, nous avons perdu nos fils à cause de la guerre ».
Pourquoi sont-elles obligées de partir ? Parce que pour le comte, le métier de métayer ne peut pas être exercé par les femmes. Depuis longtemps, ils sont fidèles mais, à cause de la guerre, tout est perdu.
Après, moi-même, je suis allé voir la vieille dame, ça m’a beaucoup touché. J’ai eu beaucoup de peine. J’ai regardé son visage et je ne pouvais rien dire. Le comte n’a aucune compassion…